petits périples

Hélène Raymond


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Icebergs et potagers

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Bonavista, c’est une péninsule terre-neuvienne. Une des multiples côtes hachurées, découpées qui, si on les déroulait sur un fil, totaliseraient 29 000 kilomètres. Terre-Neuve, ce sont des caps, des anses, des baies, des paysages magnifiques.  C’est aussi la roche dure, les krummholz, ces arbres  fouettés par le vent jusqu’à ne plus  jamais se redresser et, de temps à autre, surprise!  un potager.     IMG_4181  IMG_4251

Pour récolter un peu de verdure par là-bas, il  faut faire preuve d’une infinie patience. D’abord  pour «faire de la terre», pour  avoir suffisamment de compost et enfin, il faut espérer l’été qui vient plus tard qu’ailleurs. Début juillet, sauf exception, on voit davantage les étiquettes identifiant les rangs que les plantes!  Il n’y a pas que la mer qui ait nourri Terre-Neuve. Les familles de pêcheurs cultivaient leurs légumes, parce qu’il fallait se nourrir mais aussi parce que la terre fournissait une bonne dose d’autonomie, face à la voracité des marchands de poisson.

Les anciens récoltaient racines, choux et pommes de terre. Ce que plusieurs font encore. Mais  les jardiniers plus audacieux (ou plus gourmands) ont largement étendu les cultures aux salades, épinards, crucifères (comme les moutardes). Et les plus chanceux mettent à l’abri, dans une serre, tomates, concombres, poivrons; tous ces légumes qui préfèrent la chaleur. Lire la suite


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Paloquemao, le grand marché de Bogota

Quand on aime qu’un marché reflète la culture locale, Paloquemao nous comble. Au centre-ville de Bogota, sur un très grand espace, on brasse des affaires, pour sa consommation personnelle ou la revente.

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Il est à des lieues de ce qu’on voit généralement quand on refait le décor pour accueillir des touristes. À Bogota, vous observez et partagez ce que vivent les Colombiens. DSCN1090

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La Boulangerie la Rémy partie en fumée, le moulin reste bien droit…

On apprend ce matin que le  feu a détruit la boulangerie La Rémy à Baie-Saint-Paul la nuit dernière. La grande maison blanche, soigneusement restaurée où on achetait pains et farines n’est plus. Grâce à ce  lieu magnifique, des passionnés ont donné à Charlevoix une de ses premières  micro-boulangeries, remis en marche un moulin à farine datant du régime seigneurial et poussé des agriculteurs à remettre des parcelles de blé rustique et de céréales anciennes en culture.

Au tournant du millénaire, le projet patrimonial initié par Héritage Charlevoix,  avait permis de remettre les bâtiments en état. L’été, par le petit sentier, on accédait au moulin adossé à la montagne, derrière la boulangerie.

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Le moulin de la Rémy

Dans l’air de l’atelier, on percevait souvent cette poussière fine qui reste longtemps en suspens dans l’air. J’ai souvenir que les planchers craquaient un peu. Je me rappelle aussi de l’histoire de la construction du premier four: cette voûte  qui emprisonne la chaleur et la diffuse si longtemps qu’elle permet plusieurs fournées et la cuisson des fèves au lard et de plats mijotés une fois que la température baisse, après la  cuisson des pains.

Un jour, au Vermont, Gérard Rubaud, pionner de la renaissance boulangère locale, m’a raconté avoir reçu un coup de fil de quelqu’un de Charlevoix lui demandant de les aider à recréer une voûte parfaite, un four parfait où cuiraient des pains parfaits.  Gérard avait construit son propre four, à Westford et la réputation de sa baguette s’était rendue jusqu’au Québec et on voulait s’en inspirer. La confrérie boulangère a fait le reste. Et on s’est mis à pétrir et à cuire pains, pizzas, viennoiseries d’une qualité exceptionnelle au bord du ruisseau La Rémy, pendant que les roues du grand moulin de pierre broyaient les céréales pour en faire des farines tout aussi exceptionnelles.

J’y suis passée tout récemment. Pour acheter de la farine et façonner mes pains.  Le boulanger venait de terminer sa journée, les tablettes se vidaient doucement, l’atelier de travail retrouvait son calme. L’activité allait reprendre avec intensité, pour, je pense, une dixième saison. Aujourd’hui? Je croise les doigts pour que ça redémarre. Parce que si on trouve des boulangeries artisanales un peu partout, bien peu permettent de marier histoire et modernité avec autant de finesse.

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Des fruits à goûter…des yeux.

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Tomates de arbol ou tamarillos. De la famille des solanacées. Rouges ou jaunes, on ne mange pas la pelure. Dans son «Guide des fruits et légumes exotiques et méconnus» (1987!), Jean-Louis Thémis les suggère en omelette.

Ils sont partout! Sur une rue, les marchands ambulants les proposent déjà coupés;  un peu plus loin, ils les  pressent pour en tirer le  jus.  Grâce à leur débrouillardise, ils extraient l’eau sucrée  des bâtons de cane à sucre  pour obtenir un sirop édulcorant qui adoucira toutes ces boissons sans alcool. Ils  transforment les mangues en «spaghettis», inventent des systèmes de réfrigération. Les fruits trônent au cœur des rues, sur les places publiques, le long des grandes artères. Vous le savez, c’est  l’exotisme…à vos risques et périls. L’eau, la glace, la chaleur de plomb, Lire la suite


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Neal’s Yard, la campagne britannique au cœur de Londres

 

P1130697Je me rappelle de la découverte. Cette boutique magnifique, un peu en retrait de Borough Market. Ça fera quatre ans, presque jour pour jour. Un samedi d’avril qui sentait le printemps.

On s’était frayé un passage dans la foule compacte qui fréquente ce très vieux marché la fin de semaine, on avait partagé un grilled-cheese, humé l’odeur de ces paëllas géantes qui nourrissent tant de gens, salivé devant tous ces aliments, jeté un coup d’œil aux légumes locaux puis, en sortant du marché nous avons aperçu Neal’s Yard Dairy.

Ce que vous voyez plus haut trônait à l’ entrée et annonçait le meilleur. À l’intérieur, une première pièce qui laisse deviner l’activité de la ruche, derrière. Puis, cette salle où s’activent des dizaines de vendeurs pour, encore une fois, faire goûter, trancher, peser, vendre ces fromages artisanaux d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande. Sélectionnés un à un, affinés tout près, dans des atmosphères strictement contrôlées des caves d’affinage de Bermondsey. Impossibles à voir de la rue, elles ont été aménagées il y a très longtemps, sous la chaussée. Les fromages sont ainsi maintenus à  température constante et sous  humidité constante.

Plus saisissants encore : les étalages. P1130681 Lire la suite


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Bogota – Medellin- Bogota

BOGOTA-MEDELLIN-BOGOTA

C’est une toute petite fenêtre d’un peu plus de dix jours sur une histoire immense, des climats variés et une cuisine qui s’est adaptée à toutes ces réalités géologiques, géographiques et climatiques. L’Atlantique; le Pacifique; le soleil de l’équateur, les nuits fraîches, voire glaciales; les estuaires de tous ces rios; le début de la cordillère des Andes et toutes les variations en altitude. Un métissage unique au monde : autochtones; descendants d’esclaves africains, d’espagnols, d’européens; yeux et peaux foncées…sourires à l’infini. Au moment de repartir, ce sera encore une fois avec le sentiment d’avoir ouvert une autre porte sur un coin du monde et ne pas avoir envie de la refermer. Malgré son passé tourmenté, ses violences et peut-être parce qu’on y sent, chez plusieurs,   cette envie très forte de vivre  autre chose.  Rares sont les  pays où on vous remercie d’être là. C’est le cas à Bogota et Medellin où nous nous sommes posés. Lire la suite


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L’anguille, leçon d’histoire, de biologie, de cuisine.

DSCN0551 «L’ansillon*, c’est l’aboutissement du dernier voyage accompli par l’anguille qui nage maintenant parmi les herbes salées, l’oignon, l’ail, l’huile et la tomate. Dans un pays où l’anguille abonde, il est normal qu’après trois siècles, elle soit demeurée l’un des poissons les plus populaires»

Je peux ajouter au commentaire de ce livre sur la «Cuisine traditionnelle des régions du Québec», publié par l’ITHQ aux Éditions de l’Homme en 1996 que l’anguille n’était plus un poisson «populaire» à ce moment. Même dans le Bas-Saint-Laurent où on l’a capturée pendant des siècles. Elle avait mauvaise presse, personne ne savait vraiment comment l’apprêter mais une poignée d’irréductibles continuaient de s’y intéresser. Pêcheurs, biologistes, poissonniers, fascinés par cette étrange créature et déterminés à préserver cette pêche. Quasiment un mode de vie qui commande qu’on se déplace, à chaque marée basse donc deux fois par jour, pour vérifier si quelques anguilles, venues buter contre la longue clôture de bois qui s’avance dans le fleuve se sont échouées au fond des coffres de bois. IMG_1666

Pourquoi écrire à son sujet maintenant? Parce qu’elle revient doucement, dans les pièges des pêches à fascines et les assiettes. C’est le commentaire d’un ami de la famille reçu à la suite de la diffusion d’un reportage sur l’anguille qui a semé l’idée de cet ajout au blogue. Jean G. se rappelait d’un rituel de nos automnes: la cuisson d’une anguille qui n’allait régaler que mon père, ma mère n’y trouvant manifestement pas beaucoup de plaisir et nous, encore moins. Ce jour-là, mes frères et sœurs avions  la permission de manger autre chose. Je revois le poisson qui arrive, vivant, dans la maison. Je ne suis pas marquée outre mesure par l’abattage puisque je n’en retiens pas de souvenirs (peut-être était-elle déjà morte? En tout cas il lui arrivait de gigoter encore) mais c’est l’odeur de cuisson qui demeure imprégnée dans ma mémoire. Papa se régalait.

Il avait grandi avec anguille, esturgeon, alose et bar rayé dans ses assiettes. Nous avait décrit des poissons gigantesques chargés sur les plates formes tirées par les chevaux et les dizaines de pots de conserves qui s’en suivaient, alignés dans la dépense. Et à la fin de chacun de ces étés qui nous voyaient pousser comme la mauvaise herbe, (pourquoi dit-on que les enfants grandissent plus vite en été?),  nous assistions à l’installation de ces longues clôtures, plantées en travers du fleuve, pour bloquer les anguilles en migration vers la Mer des Sargasses. Mais au moment de la pêche, nous étions repartis à l’école. Le fleuve, était notre terrain de jeux d’été. Lire la suite


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Des Amériques et de Turquie

La plupart des aliments ont une histoire qui nous transporte ailleurs. Parce qu’ils ont eux-mêmes voyagé avant de parvenir dans nos assiettes. Même  les plantes sauvages des forêts gaspésiennes, abitibiennes, de bord de mer peuvent nous entraîner en Scandinavie et jusqu’en en Turquie, où on mange la salicorne en salade. Il n’est pas rare de la voir sur les marchés d’Istanbul et parmi les plats du meze . DSCN9675 (2)

Les échanges se sont amorcés depuis bien longtemps; les épices et les herbes ont soigné, relevé la saveur des plats et souvent facilité leur conservation. Les Basques ont enrobé leurs jambons dans les piments « Gorria »; un d’entre eux s’appelle aujourd’hui le piment d’Espelette. Certaines herbes, plus fortes en huiles essentielles, ont connu des usages thérapeutiques avant d’être considérées comme des plantes aromatiques. En fait, épices, herbes, fruits et légumes se sont doucement intégrés dans des cuisines à des milliers de kilomètres de leurs origines. Les tomates sont devenues saveur quasi universelle. Elles poussent partout mais ne goûtent pas la même chose parce que la façon de les cultiver et  de les apprêter change selon l’endroit.

Ce qui me dérange et que j’exprimais dans Goût du monde ou saveurs locales?, ce ne sont pas ces échanges, vieux comme le monde mais plutôt la standardisation et cette marchandisation des saveurs qui tend à uniformiser les plats. Turcs, Mexicains, Argentins, Anglais ont tous leurs recettes de légumes au vinaigre. Pourquoi devoir tous nous convertir au même ketchup?

Aujourd’hui, en rentrant de cette découverte marquante avec la Turquie, je veux vous raconter quelques légumes qui ont traversé les mers, des océans et les siècles et qui sont devenus des symboles culinaires grâce à l’usage qu’en ont fait les cuisiniers des sultans, aux  gestes des agriculteurs et des marchands et à ces millions de femmes qui ont su se les approprier . Des légumes qui ont survécu parce qu’on a su conserver leurs semences, observer et reproduire des croisements fortuits puis,  sciemment pensés. Ils ne sont pas uniformes; ni dans leurs variétés ni dans leurs usages. En voici 5 qui, avec la dinde qui a curieusement donné son nom anglais au pays, ont quitté les Amériques pour parfumer des plats apprêtés aux confins de l’Europe et de l’Asie.

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Saison de récolte en Cappadoce

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DSCN0165Ce marché, que je vous propose de visiter, je l’ai en quelque sorte mérité. Parce qu’il a fallu le chercher pour le dénicher en Cappadoce. Istanbul nous a donné des étalages éclatants dans Kadikoy, un quartier situé du côté de l’Asie. Dans une rue étroite et fort achalandée, on trouvait quelques revendeurs. Les fruits et légumes étaient frais; c’est là que j’ai aperçu les bouquets de salicorne qu’on mange beaucoup en Turquie.

Mais pour trouver un « vrai marché », celui qu’on reconnaît partout parce qu’il regroupe des fermiers qui vendent directement leur récolte,  un marché qui reflète la récolte et le temps qu’il fait sur les champs, il a fallu demander et redemander. D’abord parce qu’on ne comprend pas pourquoi une touriste cherche à croiser des agriculteurs, encore moins ce qui la pousse à voir des étalages de légumes et de fruits! Un épicier m’a répondu qu’il en avait à vendre; l’hôtelier m’a emmenée  voir des fruits déshydratés, dont des papayes et des kiwis mais à force de parler, de questionner, j’ai trouvé. À une dizaine de kilomètres de Gorëme, dans le village d’Avanos, ce vendredi 2 octobre. Lire la suite


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Istanbul, un jour de Baïram

24 septembre, rendez-vous avec les saveurs d’Istanbul

C’est jour de Baïram. Dès les premières minutes de notre rencontre, Elif, notre guide pour la journée, affirme qu’elle n’a jamais vu sa ville aussi tranquille. Sans être déserte, Istanbul  est calme, quasiment silencieuse par endroits. Les Stambouliotes l’ont désertée et sont rentrés dans leur famille. Les plus fortunés sont à la mer. Au cours de la journée, elle fera provision de loukoums pour ses parents qu’elle rejoindra, dans  la nuit. Ils l’attendent à la maison de campagne. Pour les non-musulmans, cette grande fête est aussi une occasion de retrouvailles.

Mon tour gourmand d’Istanbul a été réservé sans savoir qu’il s’agissait d’un jour férié. L’entreprise touristique  a tout de même décidé de tenir l’activité, même si certaines des boutiques à visiter ont fermé leurs portes. IMG_1020Il y aura toujours une solution de remplacement et, en prime,  un aperçu du sacrifice du mouton. Le retard accumulé au fil des heures nous permettra aussi  d’observer le coucher de soleil sur le Bosphore devant cet intense trafic maritime où cargos, paquebots, traversiers remplis de passagers, chaloupes et petites embarcations se croisent. À la tombée de la nuit, quand les dômes des mosquées vont s’illuminer les uns après les autres, que la lumière des bateaux va se mettre à danser sur le Bosphore et que des coins de la promenade sur les quais vont s’éclairer grâce aux lanternes de ceux qui font griller des maquereaux sur des poêles au charbon nous allons nous quitter, saluer ces « étrangers », réunis pendant une dizaine d’heures, unis par la même curiosité et une certaine de joie de vivre. Lire la suite