petits périples

Hélène Raymond


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Creuse la terre…

IMG_4752Jardins et jardiniers laurentiens 1660-1800

Creuse la terre, creuse le temps

Un ami a déposé ce livre, discrètement, avant de quitter la maison à la fin d’une soirée. J’avais vu passer l’ouvrage de Jean-Pierre Hardy au travail sans prendre le temps de le regarder. Ce printemps 2016 était bien chargé, il faut le reconnaître.

Je l’ai glissé dans mes bagages en partant en vacances. Sans trop savoir si c’est le roman d’Eleanor Catton, Les Luminaires (Alto) allait l’emporter. J’ai lu les deux; rapidement terminé Jardins et jardiniers laurentiens alors que l’intrigue néo-zélandaise m’occupe encore. Deux genres. Deux mondes. J’en conviens.

Qui est Jean-Pierre Hardy? Historien et chercheur associé au Musée canadien de l’histoire, qui a fait preuve de patience et de sagesse en amassant des données qui allaient permettre de documenter la place du jardin domestique dans la vallée du Saint-Laurent. En particulier les jardins urbains de Québec et Montréal pour lesquels il disposait de «sources» fiables (registres, cartes etc.). Un homme qui, en avant-propos, explique qu’il envisageait la retraite «avec un brin d’inquiétude» en reconnaissant que cette partie de notre histoire avait peu retenu l’attention. Un auteur qui mentionne que l’héritage familial a probablement à voir avec cet intérêt, son père ayant entretenu un potager jusqu’à l’âge plus que vénérable de 95 ans. Ce qui nous procure une lecture éclairée et éclairante au plan des connaissances historiques autant que maraîchères. Un auteur qui sait ce que représente se mettre les mains dans la terre!

«Dans toute la colonie et à plus forte raison dans un pays où la végétation se repose une bonne moitié de l’année, l’alimentation est une préoccupation constante. L’apport d’un potager devient donc une nécessité chez bon nombre de citadins et chez presque tous les habitants.»

IMG_4784Si le potager est une nécessité, un passage obligé pour assurer sa survie et celle de sa famille, il n’est pas si simple de se faire jardinier; vous le savez si vous avez tenté l’expérience. Plus difficile encore d’y arriver quand il n’y a ni marché fermier, ni fournisseur à proximité pour vous approvisionner quand la récolte devient catastrophe. On n’a pas de mal à imaginer les disettes. Et pour qu’on saisisse bien ce qu’il faut de compétences, Hardy a la sagesse de remonter en Europe pour s’intéresser à la formation. Là où les maraîchers londoniens sont incorporés dès le XVIIe siècle et les jardiniers des monastères cumulent les tâches. Il nous apprend que ce n’est qu’à la moitié du XVIIIe siècle que les jardiniers professionnels Parisiens vont s’incorporer.

Mais, en parallèle, l’intérêt pour les espèces légumières et fruitières grandit; les naturalistes font voyager «nos» espèces indigènes pour les acclimater et les cultiver dans les jardins royaux. Dans cette logique d’aller-retours, une partie de ce savoir voyagera jusqu’ici alors que bon nombre de plantes, de graines seront chargées à bord des bateaux pour nourrir la curiosité scientifique et la gourmandise des bourgeois.

Jardins du gouverneur, de l’intendant, des communautés religieuses vont façonner le paysage de la ville de Québec. Idem à Montréal où s’ajoutent les potagers des particuliers (les habitants de Québec cultivent et s’approvisionnent hors les murs). Le jardin est lieu de production de plantes ornementales, médicinales, d’aliments et sert au recueillement. Chez les hospitalières, il nourrit les malades.

Je fais ici une parenthèse pour souligner le fait que quelques-uns de ces potagers ont survécu au temps, jusqu’à ce que l’urbanisation, des changements au zonage n’aient raison de l’histoire comme à Québec avec la ferme SMA. J’allonge la parenthèse pour préciser que quelques communautés soutiennent toujours des projets agricoles. Je pense en particulier à la communauté des sœurs de Notre-Dame-du-Bon-Conseil qui appuie un projet d’économie sociale : les fermes Solidar, dans le rang Saint-Joseph à Chicoutimi. http://www.lesfermessolidar.com/

Jean-Pierre Hardy remonte le temps; reproduit des tableaux qui illustrent les revenus des ventes et facilite la compréhension de tout ce travail investi pour l’aménagement et l’entretien des potagers. Plus que tout, sa démonstration prouve, hors de tout doute, qu’on consommait plus de légumes et de fruits que ce qu’on le croit généralement; que la diversité était présente et que si les saisons ont permis d’écarter des espèces gourmandes de chaleurs, les légumes qui profitent bien lors des journées fraîches ont prospéré. Choux, ois de toutes sortes, fèves, maïs, , céleri, salade, ail, oignon, poireau…toutes ces herbes à consommer fraîches et à saler…la liste est longue.

Son travail démontre que ce climat que plusieurs s’empressent de qualifier de nordique avant d’enchaîner au sujet de ses limites quasi infranchissables a ses avantages et qu’il offre aux audacieux des défis et délices. En tout cas à qui sait creuser la terre pour y semer quelques graines de possible.

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Un carré d’asperges, obtenu par contrat, permettait au jardinier de tirer un revenu supplémentaire.

Jardins et jardiniers laurentiens 1660-1800 Creuse la terre, creuse le temps.

Jean-Pierre Hardy, Éditions du Septentrion.

http://www.septentrion.qc.ca/

 

 


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Odile Dumais renouvelle le plaisir de bien manger en plein air

livre OdileOdile est passée en coup de vent chez moi il y a quelques jours pour me laisser une copie de la réédition de son livre «La gastronomie en plein air», publié  chez Québec Amérique. J’y retrouve quelques-unes des recettes que nous avons tant reproduites en randonnée et à la maison, que nos enfants connaissent (la soupe du pèlerin est devenue «la soupe de lentilles à Odile») et ces nouveautés qu’elle nous a permis de goûter et de commenter avant de finaliser ses recettes.
Je ne répéterai pas tout le bien que je pense d’Odile Dumais, elle m’a demandé de préfacer son livre. Je vous invite donc à y jeter un coup d’œil et à aller beaucoup plus loin que la préface. Égale à elle-même, elle est précise dans ses indications, chaleureuse dans ses introductions et généreuse tout au long des pages.
Un livre qui ne fait pas que donner de l’appétit! Il donne envie de repartir en randonnée.
mushuau-nipi 07 (92)


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Les librairies culinaires

imageLes émissions de cuisine, à la télé auraient  ceci de particulier qu’elles vous poussent à grossir si vous vous appliquez à reproduire les suggestions du chef. En tout cas, celles qui célèbrent la crème, le beurre, les plats festifs jusqu’à plus soif. Les plats de fête.

Qu’en est-il des livres? Bouquiner et cuisiner mènent-ils au même résultat? Je ne sais pas mais, quel bonheur! Plus grand à mon avis puisque, comme la radio permet de mettre des images sur des mots, cette fois c’est l’écrit qui crée, imprègne le cerveau en lui permettant d’imaginer la saveur.

Je suis passée,  pour la seconde fois, chez Books for Cooks, dans Notting Hill à Londres. Pour y arriver samedi, il a fallu se frayer un chemin sur Portobello Road. Des touristes et leur guide, parapluie tenu très haut pour ne perdre personne, des vendeurs de théières, de vaisselle, d’objets soi-disant anciens et de tous ces souvenirs que vous voyez partout puisque seul le nom qu’ils affichent change, selon la destination. Mais la patience est récompensée.

Le silence. Un local étroit aux étagères murales chargées jusque très haut de livres de toute sorte. Un seul exemplaire disponible pour chacun des ouvrages. Le monde raconté à travers des reçettes et des récits gourmands. Ici, le Mexique, si « tendance » en ce moment à Londres. Pas très loin: l’Italie, découpée en chacune de ses régions. Peu sur la  Scandinavie, qui souffle pourtant si fort en ce moment sur la planète gastronomique. La Grande Bretagne et ses Jamie, Nigella, Heston…le nouveaimageu Donna Hay.

Et tous ces ouvrages qui montrent les techniques. Pain, marmelade, pâtes…vous les connaissez.

Au centre, des tables où on présente nouveautés et succès du moment. Je « fais connaissance » avec Raymond Blanc. Un chef français qui célèbre la recherche sur les légumes anciens et la récolte de Kew Gardens. Un des plus prestigieux jardins botaniques du monde. Je l’achète, j’y reviendrai.

Au fond de la boutique:une cuisine qui sert à beaucoup plus qu’aux démonstrations et conférences. Tous les jours, on y prépare soupe, plat, dessert à consommer sur place. L’inspiration vient des livres en vente. Arrivés tard, nous avons mangé ce qui restait du « mac&cheese » aux choux de Bruxelles. Un peu séché, comme quand on se présente trop tard à table, à la maison. Bien assaisonné, avec juste ce qu’il faut de feuilles de chou pour la saveur. Un gâteau aux bleuets avec ce sucre croustillant qui se glisse dans la pâte. Faits sur place, reproduits à partir de recettes dénichées dans la librairie.

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Une formule toute simple! Comme chez Appetite for Books à Montréal: http://www.appetitebooks.ca , le livre prend vie en cuisine, avant même d’arriver dans la vôtre.

Books s for Cooks, 4 Bleinheim Crescent, Notting Hill, Londres. Internet: www.booksforcooks.com


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La nouvelle cuisine nordique de l’Islande

DSCN6073Après le Danemark (René Redzepi), la Suède (Magnus Nilsson), voici l’Islande et sa «nouvelle cuisine nordique», signée Gunnar Karl Gislason et Jody Eddy. Il est propriétaire de Dill, un restaurant de Reykjavik. Elle vit en Irlande et a signé quelques ouvrages culinaires.

La couverture sombre (j’ai laissé la jaquette pour la photo) ne laisse voir que des galets. On est loin des éclats des couleurs de la Méditerranée. Les photos de producteurs et de paysages nous emmènent ailleurs, dans ce pays qu’on imagine rude où, pour survivre, on a développé d’incroyables habiletés. La cuisine? Elle a quelques-uns de nos accents. Lire la suite


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Merci Michel Lambert!

Je quitte Montréal, le marché Bonsecours, la Place d’Armes, la Pointe à Callières et les récits de Michel Lambert. Chaque fois, le plus discret des défenseurs de la cuisine québécoise patrimoniale, m’impressionne par sa générosité et  ses connaissances. Et si vous croyez que patrimoine rime avec passé et époque révolu, détrompez-vous. Dans son esprit, à la manière de ce qui a réanimé les variétés anciennes de tomates, de semences de toutes sortes, il faut redécouvrir les plats qui nous ont faits. Michel Lambert est de ceux qui ne mettent jamais le curseur du temps à la Nouvelle-France, à la Conquête, ou encore à Expo 67; il en fait un long récit qui remonte bien avant les Iroquois; dans ces époques lointaines qui nous ont donné le maïs, la courge, les haricots. Un temps où le gibier foisonnait où le fleuve grouillait de poissons, quand les saumons remontaient  beaucoup plus loin vers l’Ouest.


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Gaza, l’huile d’olive et l’alimentation

huile palestine

C’était en 2012, à Turin. Terra Madre, la rencontre des artisans de la terre de Slow Food accueillait des représentants d’un peu partout à travers le monde.  On venait  présenter ses produits, raconter ses projets. Je pense encore à ces Africaines du Sénégal qui bataillent pour ramener une alimentation «locale» chez les enfants;   mettant en valeur ce qu’elles appellent le poulet bicyclette parce qu’il se déplace toute la journée à travers les cases. Je revois les allées des pays traversés par la route de la soie; les abricots séchés, les épices, les herbes. Puis, dans une autre partie du Lingotto, quelques bouteilles d’huile d’olive de Palestine. Là où 20 000 oliviers auraient été abattus de 2002 à 2012 (et je ne peux m’empêcher de penser que le chiffre a dû grossir depuis la crise qui vient à peine de s’apaiser).
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