Elles se pointent, on ne peut mieux décrire. Une à une, elles vont percer le sol pour s’allonger vers la lumière. Et une à une, des mains patientes vont les trancher de la longueur désirée. Puis, elles seront triées, lavées, plongées dans l’eau glacée et regroupées pour la vente.
C’est une merveille de la nature qui supporte qu’on lui retire quelques tiges sans pour autant disparaître. Dans le sol, sa griffe contient suffisamment de réserves pour permettre un certain prélèvement. Elle ordonne qu’on la cueille régulièrement; une fois la récolte commencée, on repasse chaque jour dans le même champ. Je pense qu’on l’apprécie véritablement quand on se prive de l’offre d’asperges importées pour attendre le printemps et en faire une fête. Claude Villeneuve, l’écologiste, me confiait lors de la rédaction de Goût du monde ou saveurs locales?: «À manger des asperges à l’année, on perd le goût du printemps». Il n’a pas tort. Avant elles, dans le potager, on peut cueillir quelques fines herbes et des verdures parmi ce qui a survécu à l’hiver mais ce sont les turions d’asperges qui, avec la pêche aux crustacés, donnent le véritable signal de départ de «la belle saison».
Plus loin, vous trouverez quelques idées pour changer des asperges grillées. Pour la cueillette, je suis allée chez Micheline Pépin et Ernest Fiset, www.fermefiset.com maraîchers aux portes de Québec. Ils entreprennent la saison intensive. Quatre mois au cours desquels ils vont travailler sans arrêt pour nous fournir asperges, rhubarbe et fraises.
Il faut de la délicatesse et beaucoup de minutie pour ne prendre que celles qui sont de la bonne longueur, pour bien les placer dans les boîtes et vite les rentrer à l’atelier.
Et il y a tant et tant de manières de les manger!
Tous ces chefs, jardiniers, défenseurs de la production locale les transforment. Et de plus d’une manière. J’ai rapidement ouvert et refermé La cuisine raisonnée; mes vieilles éditions suggèrent les asperges en conserve; c’était l’époque où on trouvait des conserveries dans les campagnes.
Voyons chez Niki Segnit. Dans «The Flavour Thesaurus», elle rappelle les pairages les plus connus: asperges et citron, avec une sauce maltaise (à l’orange), grillées et décorées d’un œuf dur râpé, dans une crêpe ou avec du jambon. Harold Mc Ghee explique dans «On Food and Cooking», son manuel de chimie alimentaire, que le taux de sucre contenu dans l’asperge peut atteindre 4% et qu’une fois le turion coupé, la saveur se transforme très rapidement et, avec elle, la texture même de l’asperge qui commencera à durcir par la base.
Parmi nos joies du printemps, cette soupe de Jamie Oliver jamieoliver.com (Creamy asparagus soup with a poached egg on toast). Un repas en soi. Prenez la peine de bien choisir votre pain et des œufs bio. Vous vous régalerez. Et pourquoi des haricots importés si vous souhaitez une salade «niçoise» en mai?
Parmi les trouvailles: une pizza sur laquelle des asperges effilées à l’économe et bien huilées sont déposées sur les fromages mozzarella et parmesan www.smittenkitchen.com (Shaved asparagus pizza). À essayer, la recette de quinoa de Modernist Cuisine (à l’autocuiseur); ou, à la suggestion d’Heston Blumenthal: des asperges cuites à l’étouffée, dans autant de beurre que leur poids! Selon lui l’asperge est, avec la carotte, un légume dont la saveur est particulièrement soluble dans l’eau. Voilà ce qui explique pourquoi on les marie aussi souvent aux sauces hollandaises et qu’elles sont si bonnes grillées avec un filet d’huile d’olive. Que de possibilités!Dans les prochaines semaines il y aura aussi les corvées d’asperges en conserve qu’on marine dans le vinaigre de cidre. Quelques recettes de soupe à congeler. Pour manger local à l’année.
Et toujours en arrière-plan, la volonté de pérenniser cette production exigeante en main d’œuvre. La culture de tout ce qui se récolte manuellement semble migrer loin de chez nous: haricots fins, pois mange-tout, concombres à marinade, etc. Il me semble, bien naïvement, que plus nous sommes nombreux à opter pour une production de proximité, plus nous stimulons cet approvisionnement d’une fraîcheur irréprochable. Cherchez autour de vous, vous trouverez des producteurs, mangez le printemps et faites-en provision!
28 août 2015 à 15 h 03
Avec le saumon, l’asperge se marie très bien. Elle est excellent au niveau gout mais aussi niveau nutriments. Toute la famille l’adore, grands comme petits.
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