On ne sait pas sur quoi, sur qui on va tomber quand on prend rendez-vous quelques semaines à l’avance, à des milliers de kilomètres de chez soi. Et son interlocuteur ne sait pas davantage qui franchira sa porte le jour venu.
Mercredi, 25 mars, les Pays Bas gèlent, les tulipes se laissent désirer. Jonquilles, narcisses, arbustes fleurissent les parcs et il y a fort à parier que la floraison de fin d’hiver va durer en raison de ces températures!
Je me dirige vers Haarlem, qui serait à Amsterdam ce que Saint-Bruno est à Montréal. Une ville voisine quasiment devenue banlieue. C’est bien de quitter la foule, les touristes.
René et Latif, affineurs et propriétaires de Bourgondisch Lifestyle (La vie gourmande)www.bourgondishlifestyle.nl. Ils sont apparus sur mon radar grâce à un blogue français consacré aux fromages www.socheese.fr. Leur boutique est soignée, le décor, signé. Le crémeux des fromages colore un des murs, le foncé des bouteilles, l’autre. Au fond, une petite salle d’affinage. Le gros du travail s’effectue dans la première boutique, ouverte il y a quelques années, à Beverwijk.
Je suis vite curieuse d’entendre raconter l’histoire de la transformation du robiola, un fromage piémontais, affiné à l’eau de rose. Latif, originaire du Maroc, me reparle de ce voyage dans son pays d’origine où, dans la vallée des roses son cerveau a crée cette association de douceurs. Celle des laits frais de vache, chèvre, brebis combinée à celle de l’eau parfumée, généralement mariée aux desserts. René, lui, a rapporté du Japon l’idée d’associer saké et maroilles.
Toutes les tentatives ne sont pas synonymes de réussite. Il y a des essais, des échecs, des ajustements, du temps et beaucoup de patience et , au final, ce sont les clients qui décident.
Puis, la conversation glisse sur les fromages locaux. Les étagères en sont bien garnies et, dans le frigo d’affinage, des goudas mûrissent et ne sont mis en vente qu’au moment ou Latif est satisfait.
Le pays, comme plusieurs autres connaît une belle période de renouveau fromager. Le plus grand exportateur de fromages au monde voit apparaître de jeunes éleveurs de brebis et de chèvres, des producteurs de lait qui veulent vivre de l’agriculture et faire la différence en bonifiant l’offre fromagère.
Dès qu’il en a l’occasion, Latif vante les mérites du Remeker. Un fromage de lait de vache Jersey, une production exempte d’antibiotiques, un artisan remarquable qui affine ses meules au ghee (le beurre clarifié). Une combinaison audacieuse et remarquable. Pas étonnant que l’affineur en soit devenu ambassadeur! Le morceau de Remeker rapporté à la maison goûte ce qu’il goûtait en boutique. Il a la même finesse, sa texture, un peu friable, laisse fondre et se mêler la saveur du lait et celle du beurre clarifié. Il continue d’étonner. En fait, il est aussi bon au retour qu’en boutique.
Il affirme enfin que c’est une bien belle période pour vivre de son métier d’affineur. Les restaurateurs réclament leur plateau et ils arrivent ainsi à promouvoir le fromage dans près de 250 établissements à travers le pays; les deux boutiques connaissent un bel achalandage, les fermiers sont ouverts à l’échange…«la planète fromage» connaît de bons moments.
Je repars marcher dans Haarlem. Je replongerai au cœur d’Amsterdam en quelques minutes en train. Et si je ne sais souvent pas chez qui j’arrive, quand, à des kilomètres de chez moi je cherche des histoires à vous raconter, j’ai toujours le sentiment d’en repartir avec quelque chose…et, dans ce cas, l’envie de revenir.