«L’ansillon*, c’est l’aboutissement du dernier voyage accompli par l’anguille qui nage maintenant parmi les herbes salées, l’oignon, l’ail, l’huile et la tomate. Dans un pays où l’anguille abonde, il est normal qu’après trois siècles, elle soit demeurée l’un des poissons les plus populaires»
Je peux ajouter au commentaire de ce livre sur la «Cuisine traditionnelle des régions du Québec», publié par l’ITHQ aux Éditions de l’Homme en 1996 que l’anguille n’était plus un poisson «populaire» à ce moment. Même dans le Bas-Saint-Laurent où on l’a capturée pendant des siècles. Elle avait mauvaise presse, personne ne savait vraiment comment l’apprêter mais une poignée d’irréductibles continuaient de s’y intéresser. Pêcheurs, biologistes, poissonniers, fascinés par cette étrange créature et déterminés à préserver cette pêche. Quasiment un mode de vie qui commande qu’on se déplace, à chaque marée basse donc deux fois par jour, pour vérifier si quelques anguilles, venues buter contre la longue clôture de bois qui s’avance dans le fleuve se sont échouées au fond des coffres de bois. 
Pourquoi écrire à son sujet maintenant? Parce qu’elle revient doucement, dans les pièges des pêches à fascines et les assiettes. C’est le commentaire d’un ami de la famille reçu à la suite de la diffusion d’un reportage sur l’anguille qui a semé l’idée de cet ajout au blogue. Jean G. se rappelait d’un rituel de nos automnes: la cuisson d’une anguille qui n’allait régaler que mon père, ma mère n’y trouvant manifestement pas beaucoup de plaisir et nous, encore moins. Ce jour-là, mes frères et sœurs avions la permission de manger autre chose. Je revois le poisson qui arrive, vivant, dans la maison. Je ne suis pas marquée outre mesure par l’abattage puisque je n’en retiens pas de souvenirs (peut-être était-elle déjà morte? En tout cas il lui arrivait de gigoter encore) mais c’est l’odeur de cuisson qui demeure imprégnée dans ma mémoire. Papa se régalait.
Il avait grandi avec anguille, esturgeon, alose et bar rayé dans ses assiettes. Nous avait décrit des poissons gigantesques chargés sur les plates formes tirées par les chevaux et les dizaines de pots de conserves qui s’en suivaient, alignés dans la dépense. Et à la fin de chacun de ces étés qui nous voyaient pousser comme la mauvaise herbe, (pourquoi dit-on que les enfants grandissent plus vite en été?), nous assistions à l’installation de ces longues clôtures, plantées en travers du fleuve, pour bloquer les anguilles en migration vers la Mer des Sargasses. Mais au moment de la pêche, nous étions repartis à l’école. Le fleuve, était notre terrain de jeux d’été. Lire la suite →