«La Rossa», c’est le surnom donné à Bologne, la capitale de l’Émilie-Romagne, une province du nord-est de l’Italie. Une ville dont on parle peu. Sinon pour glisser, de temps à autre, qu’on y mange mieux qu’ailleurs.
Florence et Venise, tout près, lui volent la vedette. Pourtant… On y marche à l’abri de la pluie, sous des kilomètres d’arcades; 80 000 étudiants fréquentent ses universités, dont une des plus vieilles d’Europe, sinon la plus vieille. Ce qui lui donne un bel air de jeunesse.
Le cœur de la ville bat, depuis le Moyen-Âge, autour d’une place chargée d’histoire. Et il garde son rythme! Piazza Maggiore est fréquentée, on vient y manger, flâner, faire la fête. Neptune, le dieu des mers, y est pour l’instant prisonnier d’un échafaudage et reçoit toutes les attentions de l’équipe de curateurs qui ont pour mission d’effectuer un nettoyage en règle de la statue et de sa fontaine. Intra muros, le MAMbo, le musée d’art moderne attire de grandes expositions. Bologne se laisse découvrir et goûter; nourrit le corps, le cœur, l’esprit.
Pourquoi «la Rouge»? Pour ses toits de tuile qui s’étendent très loin sous le regard dès que vous avez l’occasion de grimper pour surplomber la ville. Aussi pour son passé communiste, son ancrage «à gauche», pour ces attentats qui laissent des cicatrices. L’horloge de la gare à jamais arrêtée à 10 heures 25 témoigne encore de la violence de l’attaque survenue en août 1980.
On l’appelle aussi «Bologne la Grasse». Sa cuisine traditionnelle, roborative, trône toujours alors que la scène alimentaire se transforme, grâce à de nouveaux artisans. Le grand courant pour la fabrication de bière artisanale marque aussi l’Italie, et Bologne.
Voici quelques pistes gourmandes si, un jour, vous y mettez les pieds.
Puisqu’il faut commencer quelque part: le pain de Forno Brisa. Dans une boulangerie qui fait une large part aux farines complètes, on remet les pains d’hier à l’honneur. Céréales entières, levains naturels, croûtes craquantes. Pasquale Polito, formé à l’Université des sciences gastronomiques de San Pollenzo, élabore pains et bières et contribue à la remise en culture des blés anciens dans plusieurs régions italiennes.
La boutique est magnifique; le pain offert à la découpe est éclairé. L’accueil est chaleureux et les pizzas colorées et appétissantes.
Bologne, ce sont les tagliatelles, la sauce ragù, la mortadelle.
Via Peschiere Vecchie 3/A, là où se succédaient les vendeurs de fruits, légumes, viandes et poissons, les boutiques ont remplacé les étals. La criée des marchands cède la place aux échanges entre promeneurs. La Baita offre une superbe sélection de fromages italiens et tout ce qu’on attend d’une boutique gourmande fière de ses fournisseurs. En voyage, on s’arrête pour les plateaux chargés. Fromages, mortadelle, saucissons et tigelles, cuites à mesure. Ce petit pain (una piccola focaccina) cuit, une fois refermé dans son moule de type gaufrier. On vous les sert chaud. Sur les tables en bord de rue, un verre de Spritz à la main, un peu coincé entre le défilé touristique et les Bolognais qui cassent la croûte avant le spectacle, le temps s’arrête.
Pour la sauce ragù? Vous aurez l’embarras du choix mais l’arrêt chez l’Osteria Dell’Orsa vaut le coup. Dedans, dehors le long d’une autre rue étroite où vous observez votre serveur traverser avec les plats remplis…puis vides, on boit et mange bien, sans qu’on nous presse même si des dizaines de personnes attendent à la porte. http://www.osteriadellorsa.com/
Les glaces? Elles sont partout. On trouve à Bologne les comptoirs classiques et ceux où on «revisite» les saveurs: caramel à la fleur de sel, dulce de leche etc. Carpigiani, en périphérie de la ville, est à la fois musée et école de fabrication pour qui entend devenir gelataio.
Eataly, c’est le concept élaboré par Oscar Farinetti qui propose l’Italie en pots, en bouteilles comme en sacs dans les grandes villes du monde. Farinetti met en vedette les artisans italiens. Son épicerie-vitrine célèbre les terroirs et fait une belle place aux produits identifiés au logo de Slow Food. Eataly serait la version gourmande des ambassades italiennes. Le premier point de vente, ouvert il y a dix ans en 2007 à Turin s’est multiplié. On trouve aujourd’hui 13 établissements en Italie, une poignée en Amérique du Nord et d’autres en Asie, en Amérique du Sud et à Monaco. Un marché qui semble donner du souffle à des milliers de petits producteurs qui, ensemble, font de l’Italie une référence en matière de qualité et de diversité alimentaire.
Le concept du magasin bolognais surprend. Dehors près de la terrasse sont annoncés les spéciaux de la semaine. Au rez-de-chaussée on trouve une librairie générale. Aux deux autres étages, un mélange de livres, d’épicerie et quelques tables où commander un plat. Une section de jeux. Une salle à manger où les cuisiniers élaborent des plats pour mettre en vedette les produits du magasin. On jurerait qu’il y a plus de gens pour vous servir à manger que pour vous recommander un livre. Curieux «mégastore» où se mêlent des nourritures de toutes sortes.
Bologne c’est la découverte, les calories en sus et l’envie toute naturelle de les brûler en marchant. Bologne, c’est l’enthousiasme et le dynamisme d’une ville universitaire et une cité ancienne qui porte le poids de son histoire. C’est aussi le temps qui s’arrête sur toutes ces petites places sur lesquelles les voisins se retrouvent en fin de journée. Une ville qui ne semble pas retenir l’attention des touristes «de masse», où il fait bon se poser pour vivre, tout simplement!