petits périples

Hélène Raymond


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Natashquan, pour goûter le Nord

IMG_6811 (003)« Le plaisir, c’est le terrain. Quand on cueille, on est heureux! » En pleine éclosion de moustiques, la déclaration prend encore plus d’importance. Annick Latreille veut dire que leur voracité s’oublie, au profit du bonheur de toucher feuilles et fruits. Ses yeux éclairent la cuisine de transformation de l’unique épicerie du village quand elle me parle de cueillette, alors que je porte encore les marques d’une attaque en règle vécue la veille. Pendant ce temps, dans deux grands chaudrons, la décoction de sapin mijote doucement, en prévision du prochain temps des fêtes. On oublie brûlots et maringouins pour rêver à la saveur du résineux, mêlée à celle du gin.

En créant De baies et de sève, il y a un peu plus de cinq ans, elle a choisi de s’arrêter presqu’au bout de la 138. Venue rencontrer des enseignants pour animer des ateliers pour jeunes lecteurs, elle a eu un coup de foudre pour Natashquan. Un coup si marquant qu’il a été suivi de quelques années d’errance entre Montréal et la Côte. Puis, le coup de foudre s’est transformé en belle histoire d’amour et elle a abandonné la métropole pour la frontière entre les Moyenne et Basse Côte-Nord.  La cueillette s’est transformée en passion; transformation et distribution complètent le travail. IMG_6781

Pesto des berges, thé de la Minganie, gelées de sapin et d’épinette, beurre d’églantier et toute une gamme de produits corporels, dont plusieurs contiennent des algues locales, composent son catalogue. Dans ses pots : les saveurs de la grève, de la toundra et de la forêt qui les sépare. Sous son regard, d’immenses étendues libres et une diversité de milieux et de plantes. La grandeur du territoire, l’éthique de cueillette assurent la protection des espèces.

Les produits d’Annick sont offerts un peu partout au village. Et ils prennent la route jusqu’au Saguenay, là où s’arrête son aire de distribution. S’ajoutent deux points de chute montréalais : la boutique du Jardin botanique et le kiosque des Jardins sauvages de François Brouillard au Marché Jean-Talon. L’achat par internet? Encore trop rare, me dit-elle. Les coûts de transport demeurent un frein au développement de toutes ces entreprises régionales. Et les kilomètres qui séparent Sept-Îles de Natashquan font exploser les tarifs.

Crabe, crevette, lièvre

Sébastien L’Écuyer officie, pour une autre année, dans la cuisine du Café de l’Échouerie. Un incontournable de Natashquan. Le menu ravit, la carte des vins et des bières de microbrasserie se démarque par sa qualité. On a la délicatesse d’offrir des boissons sans alcool, souvent élaborées à partir des ressources du milieu. Le potage de chou-fleur était absolument exquis; pris en sandwich, le crabe était mis en valeur grâce au pain brioché cuit à Havre-Saint-Pierre. Dans l’assiette, trônent les légumes du Grenier boréal de Longue-Pointe-de-Mingan.

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Il sert une casserole de lièvre inspirée d’une recette de famille. Au Québec, il s’agit de l’unique animal sauvage terrestre à pouvoir se retrouver dans l’assiette. Mais il voyage autant, sinon plus que la viande d’élevage. Même s’il est trappé aux environs, il prend la route de la Beauce où le seul distributeur québécois le réachemine à ses clients restaurateurs et bouchers. Ces chefs du bout du monde sont des héros de résistance et de détermination. Le jour où on l’aura compris en faisant preuve de souplesse quant aux règles d’approvisionnement, on ne fera pas que leur donner un coup de pouce, toutes les régions dites « éloignées » en profiteront. Manger la Minganie, en Minganie, l’Abitibi en Abitibi, quelle belle façon de se distinguer et d’attirer par la différence!

Dans le même esprit, pour ce chef, obtenir du poisson est un autre défi d’approvisionnement. Pourtant, à quelques encâblures, on décharge crabe, pétoncles, flétan, turbot et combien d’autres espèces. La première poissonnerie se situe à Havre-Saint-Pierre, à 155 kilomètres à l’Ouest.

La Mouche

Gabriel Turner monte loin vers l’ouest pour brasser sa bière. Il part de Natashquan pour aller à Baie-Comeau, dans les installations de Saint-Pancrace, la microbrasserie locale. Sa bière sûre désaltère. C’est la seule, de sa courte gamme de trois brassins, que je réussirai à goûter et rapporter. Chez ses distributeurs les frigos sont vides, le long de la route du retour. Mais, ils seront bientôt réapprovisionnés.

L’étiquette rend hommage à cette activité discrète qui se déroule tout l’été dans ces pourvoiries arrimées aux rivières mythiques de la Côte où des pêcheurs de saumon fixent des mouches colorées pour piquer les grands poissons.

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Dans quelques mois, quand Sébastien aura quitté les cuisines du Café bistro l’Échouerie après cette trop courte saison touristique (elle débute en juillet et se termine dans les dernières semaines d’août), qu’Annick sera affairée à transformer le contenu des paniers qu’elle remplira tout au long de l’été, Gabriel ouvrira les portes de la première microbrasserie de Natashquan. Et démontrera, avec ses deux complices, qu’il vaut la peine de rouler aussi loin pour découvrir ces nord-côtiers de souche et d’adoption qui font la différence.

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Les petites vaches aux yeux cerclés de noir

Les vaches Gaborit sont de bien petite taille dans cette ère de géants. Elles n’ont ni la hauteur des Holstein, ni la fesse rebondie des Charolaises. Elles ont  la patte fine,  une robe fauve et donnent du lait bien gras.

Celles  qui nous intéressent vivent en compagnie de leurs semblables et des humains qui les soignent à la Grande Nillière, dans la commune de Maulévrier, en Maine-et-Loire. La petite ferme dont plus personne ne voulait en 1979 a aujourd’hui  belle allure avec ses bâtiments de bois.

La vie des vaches Gaborit pourrait se résumer à manger, boire, ruminer et faire quelques pas pour aller et venir au caroussel de traite mais il en est tout autrement. Elles vont et viennent au pâturage du mois d’avril jusqu’à l’automne pour savourer herbes et graminées dont la saveur change au gré des soleils et des pluies. 

Quand Bernard et Geneviève ont acheté les premières Jersey, personne autour ne croyait qu’ils allaient y arriver. Lui-même a douté de ses petites vaches et parle encore avec émotion de ce jour où il les a vues pleurer. Convaincu qu’elles sentaient son hésitation, il a choisi de continuer. Il dit de la Jersey que c’est une des races qui interagit le mieux avec l’humain. On le croit sur parole.

Les  vaches Gaborit broutent dans des champs  bio, conformes aux normes les plus strictes. Leur 9 à 5 se vit au vent. En revenant au bâtiment pour la nuit, elles se régalent d’herbe fraîchement  coupée. Leur salade composée est étudiée, variée. On vient d’y ajouter de la chicorée, pour la bonifier.

Et ce bâtiment tout juste construit, c’est l’immense séchoir pour l’entreposage de leurs provisions d’hiver. Son toit capte la chaleur qui est redistribuée grâce à un immense ventilateur. La nuit, le déshumidificateur retire l’eau de l’air ambiant pour la stocker et la redistribuer aux vaches. Ces jours-ci, ce sont 800 litres qui retournent aux abreuvoirs.

Les vaches Gaborit font vivre plusieurs humains! Une cinquantaine, à Maulévrier seulement, auxquels s’ajoutent tous ces éleveurs qui vendent à l’entreprise le lait bio de leurs Jersiaises, de leurs brebis et chèvres. Parce que la Maison Gaborit, c’est aussi une entreprise de transformation qui produit laits cru et pasteurisé,  beurre cru de Jersiaise, oeufs et riz au lait, yaourts, kéfir, fromages. Toutes ces saveurs  voyagent ensuite  partout en France. Dans les crémeries et magasins bios.

De la détermination et du rêve d’un couple est né une aventure qui se déploie depuis bientôt quarante ans. Sa suite est assurée grâce à leurs enfants et à ceux et celles qui en sont devenus complices. Autour des vaches Gaborit se vit un projet d’une rare cohérence, mené dans le respect de la terre, des animaux et des humains.


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Un Festin dans les champs des Grondines

 

La soirée offrait tout ce qu’on espère de l’été : un beau mélange de calme et de douceur. Dans l’air, la lumière et les sons.

L’invitation promettait un Festin dans le champ. À la Fromagerie des Grondines, dans Portneuf. Comme dans toute fête champêtre digne de ce nom, on stationnait… dans le champ et on n’avait qu’à traverser le rang pour accéder au site. Sous le préau, on trouvait une cuisine montée pour la circonstance. Frigos, poêles, eau « courante », tout avait été patenté, comme on sait si bien le faire. Quatre chefs de la région se retrouvaient, heureux et peut-être un peu nerveux. Il fallait tout de même nourrir cent personnes et oublier ses  repères.

Sous le chapiteau : de grandes tables garnies d’hémérocalles, une petite estrade pour les musiciens de l’école Denis Arcand qui, pendant quatre heures ont joliment accompagné le repas. Clou du souper: ce moment où on a eu l’idée de remonter les toiles qui obstruaient la vue sur le paysage. Dans le champ, les vaches allaient et venaient, curieuses de savoir ce qui se passait chez elles… Le Festin dans le champ venait de prendre tout son sens. Disséminés parmi les convives, les propriétaires de la ferme, de la fromagerie, familles et complices et juste à côté, les vaches de ce petit troupeau sans lesquelles il n’y aurait pas eu de fromage à manger et pas plus de Fromagerie des Grondines!

Dans les assiettes : des mets goûteux. Par exemple, le crostini d’Eschambault signé Rémi Drolet du restaurant Saint-Alfred ou cette assiette de canard en trois déclinaisons de Sébastien Rivard de l’Auberge Duchesnay. Puis, des plateaux des fromages affinés par Louis Arsenault ont été déposés sur les tables. En fin de repas, un dessert signé Julie Vachon

… Le soleil venait de se coucher, avec ses nuages ouatés, le ciel avait pris des airs des tableaux de Magritte avant de laisser la nuit s’installer. À la toute fin, on a posé  le  «Dôme surprise du Cap-Lauzon» sur les tables. En cuisine, on aurait dit de petites lunes de chocolat blanc. Des dômes qui laissaient s’écouler des fraises fraîches posées sur une gaufrette libérant des parfums de lime et de basilic… un pur régal!

Guylaine Rivard, Charles Trottier, Louis Arsenault ont été fidèles à leur réputation. Depuis dix ans, ils font rayonner la production laitière biologique, gardent le cap en produisant des fromages au lait cru, travaillent au développement de Portneuf, en complicité avec d’autres producteurs.  Et une autre fois, ils ont su exprimer toute la richesse de ce terroir.

 


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Un boulanger-paysan en Chaudière-Appalaches

Charles Létang a quitté Montréal pour la vie rurale. Avec sa compagne Émilie Vallières, ils ont opté pour Saint-Roch-des-Aulnaies. Ce très long village qui s’étire entre Saint-Jean-Port-Joli et  La Pocatière.

Une première présence lors de la Fête du pain de 2015 les a convaincus de venir s’installer «en région». Boulanger dans le Mile End, il rêvait de panifier des blés «anciens» et d’être ce lien entre la terre et la miche.  Il y a trouvé un terreau fertile avec, en prime, un moulin ancien, à meules de pierre, pour moudre les céréales en farines. Celui de la Seigneurie des Aulnaies.

C’est en février qu’ils ont enfourné les premiers pâtons. En plein coeur de l’hiver!  Alors que tout le monde leur disait que le village serait tétanisé dans le froid et que personne ne viendrait s’approvisionner, ils ont rouvert les portes d’une boulangerie qui, jusque là, avait garni ses tablettes de pains et pâtisseries inspirés de la tradition québécoise. Étonnée par ce lancement hivernal,  je lui fais remarquer que c’est un bien curieux mois pour se lancer en affaires. Il me répond: «Les gens sont formidables en région!  Les voisins sont cool!». Ils sont venus et revenus…d’abord pour les croissants: faits avec les farines locales et le beurre de Saint-Jean-Port-Joli. Un «croissant du terroir», précise le boulanger. Puis, ils ont découvert le pain. Et ils en ont parlé, sont revenus, ont envoyé des gens. Le bouche à oreille opère depuis.

Il m’explique qu’il vient tout juste d’enfourner des pâtes faites avec du blé Huron. Une variété ancienne qui, d’une récolte à l’autre,  serait resemée dans la région depuis soixante-dix ans, grâce à des agriculteurs persévérants. Lui qui utilise déjà le Red Fife et le Marquis, se réjouit d’ajouter une «nouvelle» variété à son catalogue. Il  mise sur la complicité qu’il établit avec des céréaliers du coin qui acceptent de voir diminuer les rendements au profit du maintien de la diversité. Celle des plantes comme celle des modes de production.

IMG_9406Le pain? Il a belle allure: les coups de lame sont francs sur le dessus de la miche. Sa croûte est bien caramélisée et l’épi de blé qui la garnit reproduit le logo de la boulangerie. La mie est belle et laisse s’exprimer l’odeur caractéristique du levain. La saveur, équilibrée. Il changera comme changent les jours, précise Charles Létang, manifestement heureux de jouer avec le blé, les céréales, les saisons et ce climat humide d’un fleuve aux humeurs capricieuses.

La boulangerie «Du pain…c’est tout!» est située dans un bâtiment patrimonial de la Seigneurie des Aulnaies. On y trouve quelques produits régionaux, du café digne de ce nom. Un artisan local a fabriqué les tables.  Prenez le temps de visiter le moulin pour entendre le vacarme des meules et le grondement de la rivière. Et surtout, goûtez!

 

Une nouvelle édition de la Fête du pain s’annonce, les neuf et dix septembre 2017!


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Deux jours de soleil, trois marchés californiens

La Californie, c’est le paradis, en apparence du moins. Une végétation perpétuelle, le soleil omniprésent, les villes côtières qui empruntent toujours un air de vacances, l’alimentation la plus verte. Et le revers de la médaille. Un trafic automobile perpétuel, l’itinérance omniprésente, les villes côtières qui reproduisent des décors de vacances, l’alimentation la plus transformée. Dans la navette qui nous ramène vers l’aéroport, un homme part visiter sa petite-fille à Boston. Il se plaint des prix, de la hausse des taxes sur l’essence, de ce qui lui en coûte pour immatriculer sa voiture, des amendes imposées à ceux qui ont transgressé les règles d’arrosage lors de la sécheresse des dernières années, des migrants illégaux…bien que…«certains sont corrects et entretiennent bien les parterres». Une fois le passager descendu de la navette, la jeune chauffeur ne décolère pas. Elle n’en peut plus de cette rengaine. L’argent, l’immigration, l’eau…La misère qui croît d’un côté, la richesse,  de l’autre. Deux mondes en parallèle…et des problèmes durables au cœur même de l’État qui a vu naître les grands mouvements de syndicalisation des travailleurs agricoles au XXe siècle.  Steinbeck et ses Raisins de la colère ne sont pas très loin.

Fidèle à mes habitudes, j’ai repris le chemin des marchés. Faute de temps, je n’ai pas pu pousser à l’intérieur des terres pour tenter de voir quelques fermes. On n’a pas de mal à imaginer les extrêmes là-aussi. Des petits qui tentent de s’arracher un revenu; les autres qui produisent des volumes pour répondre à la demande de cet état qui abrite la population du Canada et qui écoule une grande partie de sa production hors frontières, jusqu’ici. Une terre arable bénie des dieux. Une économie agricole qui repose sur tous ces travailleurs venus du sud. Au marché, à la vue de la caméra, quelques vendeurs se mettent en retrait. Ils se font discrets.

Samedi matin, à San Diego. Premier arrêt dans Little Italy, un quartier de bord de mer qui se gentrifie petit à petit. Les restaurants italiens se succèdent sur India Street. Antipasti, primi, secondi. Comme à l’italienne mais les portions, énormes, restreignent la dégustation. Plusieurs repartent avec une partie des lunchs de la semaine, dans un sac au nom du restaurant. L’habitude est ancrée.

Son marché du samedi attire beaucoup de monde. Une première section est réservée aux petits artisans bijoutiers, concepteurs de t-shirts et, de l’autre côté de la rue, on trouve les commerces alimentaires, à commencer par le café. Le premier arrêt pour plusieurs. Plus bas, un vendeur de crêpes, muni de sa plaque, des louche, spatule et tampon d’essuyage d’usage, il compose ses crêpes une à une. La mise en place est parfaite, le geste maîtrisé, le rythme soutenu.

Et partout, des jus et encore des jus : smoothies, «jus verts», kombucha, eau aux prétentions miraculeuses, un peu de bière.Toute la  variété des nuances des agrumes, beaux dans leurs imperfections (parce que les oranges ne sont pas toutes pareilles, on en vient à l’oublier!). Du  fromage? Juste un peu. Des saucissons, des poissons (une bonne idée pour nos marchés du bord du fleuve non?), des éleveurs qui proposent leurs viandes, des marchands de gâteries pour chiens dont celui-ci qui achète à son voisin d’étal têtes, pattes et trachées pour les revendre, une fois séchées.

Des fleurs à vous donner envie de tenter de nouveau la culture des pois de senteur…ou d’essayer celle des gerberas? ou? ou?… La productrice, présente sur place, explique vendre toute l’année  et ne pas craindre pour l’irrigation. La nouvelle usine qui dessale l’eau de mer est en opération, à Carlsbad, un peu plus au nord. Là-bas, il fait si chaud l’été qu’il faut chauler vitres des serres et créer l’ombre, pour éviter de brûler les fleurs.

Un peu plus tard, au petit marché installé près du Centre communautaire de Del Mar, une femme expose ses orchidées. Elle raconte en avoir, en permanence, 100 000 dans ses serres. « Une toute petite production », me dit-elle. Pas  assez pour les grands joueurs mais suffisamment pour la vente en gros et pour assurer une présence sur quelques marchés où la clientèle passe acheter et donner des nouvelles des plantes déjà acquises. Autour, le boulanger, Européen, des kiosques de fruits et de légumes, rien d’étonnant. On vient faire quelques provisions.

Le lendemain matin, rendez-vous à Rancho Santa Fe. Le concept est différent. Ses initiateurs disent avoir observé que là où on vit vieux, il y a plus que l’alimentation qui compte. Le fait de se rassembler contribue grandement à la qualité de vie. Les places publiques où s’asseoir pour refaire le monde, les tables communes, les rendez-vous de quartiers jouent un rôle. C’est ce qu’ils ont voulu reproduire au sud de la Californie, dans une petite communauté où on vit dans des quartiers verrouillés et surveillés, dans des maisons dont les façades sont invisibles de la rue on a créé ce rendez-vous pour faire connaissance avec ses voisins. 

Le dimanche, des centaines de personnes s’agglutinent au cœur du marché. Les kiosques des agriculteurs sont situés dans les bouts des allées. On offre un atelier de poterie, musique, fleurs, ambiances odeurs, on se regroupe autour des tables, dans un roulement constant. Les pommes de terre dorent, arrosées avec le gras qui coule des poulets qui cuisent sur les broches du camion-rôtisserie, la paella géante embaume le pimenton, tamales, tortillas, pain plat parfumé au za’atar attendent les clients.

Tisser des liens et aider à construire des communautés, c’est aussi une des missions des marchés fermiers. Même là où la présence des fermiers est plutôt discrète. Et, à bien y penser, peut-être a-t-on moins besoin de verdure et de fraîcheur lorsqu’elles sont disponibles tout le temps? Après tout, la Californie est un des grands potagers de la planète et les marchés s’y sont multipliés ces dernières années. À chacun de trouver sa vocation…celui de Rancho Santa Fe en a trouvé une qui le démarque.

 


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Patates…pommes de terre…papa…potato…C’est toujours la saison!

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Ces jours-ci, ceux qui les cultivent pour leur consommation personnelle et qui s’amusent à découvrir sans cesse de nouvelles variétés ont le nez dans les catalogues et s’apprêtent à réserver leur provision de semences.

Ceux qui aiment s’en régaler se réjouissent de les voir un peu mieux identifiées sur les étals et de constater qu’elles retrouvent leur place. Mais ils reconnaissent aussi qu’on pourrait en manger davantage et surtout, varier considérablement notre façon de les apprêter. Parce que la patate, c’est beaucoup plus que des frites! Même si la poutine semble devenue notre plat national.

Dans toutes les cuisines

Dans le Jehane Benoît, dans la Cuisine raisonnée, dans la Cuisinière de Boston, la pomme de terre se résume à l’accompagnement. C’est l’incontournable purée du roastbeef ou celle qui chapeaute le pâté chinois; ce sont les pommes de terre du ragoût; celles des salades enrobées de mayonnaise.

Dans Plenty, Yotam Ottolenghi (qui m’accompagne toujours en cuisine), a imaginé une tatin de pommes de terre.  Nigel Slater, un Anglais qui développe ses recettes à partir des arrivages locaux et de ses propres récoltes, raconte que Marie-Antoinette glissait des fleurs de pommes de terre dans sa chevelure parce qu’elle les trouvait belles (et c’est vrai qu’elles sont d’une remarquable délicatesse!). Dans son ouvrage, Véronique Leduc mentionne la beauté des champs au moment de la floraison.

Les Italiens en font beaucoup plus que des gnocchis di patati! Au pays des pâtes, les recettes de patati sont multiples.  Je sers, quelques fois par année, la «foccacia  alla pugliese», de Naomi Duguid, dans son livre Flatbreads&Flavors. La  purée de pomme de terre, faite au mélangeur, densifie la pâte tricolore. Les Sud-Américains consomment des quantités impressionnantes de papas et en cultivent toujours une joyeuse variété (après tout, c’est de là qu’elles proviennent). Je teste bientôt une recette de pain aux pommes de terre, tirée d’un des livres de cuisine végétarienne de Deborah Madison. On peut dire du champvallon de Josée di Stasio qu’il est devenu, pour plusieurs, un classique hivernal. Quel plat réconfortant!

Lire sur la patate m’a donné envie d’en manger!

«Nos patates», au cœur d’un bel ouvrage

img_7882-002La journaliste culinaire Véronique Leduc publiait, fin 2016, Épatante patate, en collaboration avec le photographe Fabrice Gaëtan. L’ouvrage est publié à l’occasion du 50e anniversaire du regroupement des producteurs de pommes de terre du Québec. Illustré, appétissant, le livre raconte avec rigueur et fantaisie la place que prend la pomme de terre dans l’agriculture québécoise et dans nos assiettes grâce, entre autres, à divers témoignages d’agriculteurs.

Sa grande qualité est de redonner à la patate la place qu’elle mérite. Reine des cantines, sans aucun doute, mais aussi de plusieurs plats qui marquent notre histoire alimentaire. Une production maraîchère qui regroupe plus de 250 entreprises agricoles, des transformateurs, des distributeurs et un grand nombre de cantiniers et de chefs.   Et elle nous est offerte à longueur d’année : «…la pomme de terre nous ramène à l’ordre, et qu’elle se présente dans notre assiette en robe de chambre, en purée ou en poutine, elle raconte notre histoire. Elle dit la colonisation, les influences anglaises et les vagues d’immigration qui colorent désormais notre culture, elle rappelle nos légendes et nos premiers livres de cuisine et fait référence à de vastes pans de notre art populaire », écrit Véronique Leduc dans son hommage final.

Alors qu’elles recommencent à germer, montrant qu’elles ont leur propre horloge biologique et que le printemps s’en vient, elles peuvent encore mettre un peu de réconfort dans plusieurs plats d’hiver. Il est grand temps d’en manger! Avant de se régaler de salades de pommes de terre nouvelles, une fois l’été bien engagé.

Épatante Patate me ramène à un livre pour enfant :   Roger, le Roi de la patate (Rogé, Dominique et compagnie),  pour le lire à « mon Léo» via Facetime (nous avons chacun notre exemplaire) ; me rappelle d’assaisonner d’un peu de sarriette la prochaine purée, pour me souvenir de celle que faisaient mes tantes. Ces histoires de cantines me replongent dans mes étés d’enfance pour revoir cette dame qui, dans une minuscule roulotte, cuisait ses frites qui nous régalaient au chalet de Rivière-Ouelle. Je revois Françoise Kayler, alors que nous étions ensemble au Témiscamingue, chez un grand producteur, discuter avec lui de l’importance de bien identifier les variétés. De les nommer autrement que par la couleur.

Dans ma mémoire récente, d’autres images:  ce plat de pommes de terre fumantes, déposées sur un lit de foin qui brûle, offert dans le menu d’hiver de Mousso, à Montréal. Les immenses sacs de papas du marché Polequemao, à Bogota, en Colombie ou l’étal de Mme Papin, dans un petit marché de Buenos Aires. dscn6150

Merci de lui avoir redonné son histoire et d’avoir dépeint ce qu’elle est ici. Un aliment identitaire dont la consommation s’est transformée au fil de l’apparition des diètes à la mode et changements survenus dans notre alimentation et qui mérite qu’on s’y intéresse davantage. Dans les champs comme dans les assiettes.img_7879-002

 

Épatante Patate, Éloge de la pomme de terre, est publié aux Éditions Parfum d’encre

Flatbread&Flavors, de Naomi Duguid, chez William Morrow

Et la recette de Yotam Ottolenghi tarte tatin à la pomme de terre

 


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L’exotisme malgache à Sainte-Anne-des-Monts

  • img_6397Au bout de la rue, on entend la mer qui pousse doucement les vagues vers la grève. Les odeurs sont figées dans le froid hivernal. Lara Miarantsoa ouvre sa porte. La maison sent bon les épices et le riz parfumé. Son sourire me réchauffe; on est à l’aise, instantanément.

Lara et sa famille sont arrivés au Québec en 1998. Ils ont vécu à Charlesbourg, près de Québec,  avant de s’établir en Haute Gaspésie où son mari poursuit  son travail de biologiste. Un jour, elle s’est demandé ce qu’elle pouvait faire pour aider sa famille à Madagascar. C’est alors qu’elle a pensé miser sur ces produits qui n’existent nulle part ailleurs. Un poivre sauvage, un poivre rose aux parfums fruités, des clous de girofle à l’odeur hyper concentrée. D’autres épices.

img_7549Ses frères et soeurs, restés là-bas, ont établi des liens de confiance avec des producteurs; son frère cueille en nature, un intermédiaire lui fournit les gousses de vanille. Une fois l’an, elle se rend à Montréal pour récupérer l’envoi. Tout arrive  ensaché sous-vide. C’est elle qui se charge du dédouanement, après avoir suivi une formation. Elle est devenue marchande d’épices.

Quand elle rentre de son périple montréalais, elle met ses trésors en pots, en sachets, en tubes. De temps à autre, elle va broyer ses épices à l’Atelier culinaire de Yannick Ouellet, trois rues plus loin. Elle pulvérise la vanille pour en faire une poudre concentrée. Ce qui, je crois, est assez unique ici (mais pas en Europe pour en avoir déjà acheté).

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Les épices de Lara sont offertes en Gaspésie, dans la Beauce, à Québec. L’essence de vanille et les épices  transformées portent le logo de Gaspésie Gourmande. Quand l’hiver sera derrière, elle prendra la route pour présenter elle-même les parfums malgaches aux Gaspésiens et elle ira peut-être jusqu’à Québec.

Nous avons parlé quelques minutes. J’ai refermé sa porte en me disant que Sainte-Anne-des-Monts m’avait une autre fois étonnée et je suis allée faire provision d’épices. http://Lesepicesdelara.liki.com

 


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6 femmes, 6 parcours, un même coeur.

Ça fait une semaine…jour pour jour. À Turin, j’ai eu  le bonheur d’animer le Forum des Femmes de Terra Madre. Deux heures de discussions et d’échanges entre celles qui cultivent la terre et celles qui défendent l’agriculture paysanne, locale, nourricière. Ces six femmes ne s’étaient jamais rencontrées, elles avaient été choisies parmi des milliers de délégués pour témoigner de leur expérience devant un auditorium rempli. J’avais à mes côtés un bel échantillon de la planète, des femmes généreuses, décidées à aider leurs pairs en ouvrant le chemin vers la sécurité alimentaire et l’autonomie. Difficile de résumer et d’animer en même temps! Voici leur portrait et une phrase qui résume une partie de leurs propos, ce jour-là.

Belgica Navea avait voyagé depuis le Chili où elle élève des abeilles et produit du miel en altitude. C’est elle qui a lancé les Marchés de la Terre dans son pays. Elle est venue à l’agriculture grâce à sa détermination. Son père ne voulait pas qu’elle prenne la relève, jugeant son avenir précaire.

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Nous mettons toute notre énergie à produire. Grâce à Slow Food et aux Marchés de la Terre, nous vendons mieux, plus et à meilleur prix. Nos revenus sont stables et le travail des femmes est reconnu.

Helianti Hilman Najib a fondé Javara. Elle  gère cette entreprise sociale qui met en marché 700 produits issus du terroir de l’Indonésie. Son but? Promouvoir la diversité alimentaire, les savoirs indigènes et contribuer au développement rural.

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700 produits, ce sont 700 problèmes! J’ai dû et je dois me montrer ferme et exigeante. Je ne cède rien pour ce qui est de la qualité. Je ne lâche jamais et nous progressons, tout le temps. 

Yablonska Tetyana, néo-fermière, établie depuis bientôt dix ans sur une terre en Ukraine où elle cultive des légumes et gère un élevage de poulets. À l’origine, en 2008, elle voulait mieux nourrir ses enfants.

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Ma grande réussite? C’est de donner du travail à une vingtaine de personnes qui, autrement, seraient restées à la maison sans contact avec la communauté. 

Glenda Abott travaille au sein du projet Wanuskewin Revitalizing Indigenous Agriculture, en Saskatchewan. Elle venait  parler de l’importance de la transmission des savoirs liés aux plantes médicinales et aux aliments traditionnels.

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Nous devons nous réapproprier notre savoir traditionnel. Nous avons nos luttes à mener et nous devons choisir la manière de les mener. 30 000 personnes visitent notre centre chaque année, nous construisons des ponts mais transmettre, c’est plus qu’organiser des ateliers. Il nous faut du temps, il vous faut du temps…

Fayama Massata quittait pour une première fois son Burkina Faso pour venir à Terra Madre. En Afrique, elle cultive légumes et riz. Le riz blanc, qui sert à l’alimentation de tous les jours et le riz rouge, une variété endogène du sud du pays, menacée de disparaître jusqu’à ce que les femmes décident de remettre des sols négligés  en culture. À ses côtés: son interprète Antoine Watara.

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Grâce à notre projet, je peux aujourd’hui acheter du matériel scolaire à mes enfants et leur permettre de rester à l’école. 

Enfin, Agnes Zander Vilaclara, la Catalane. Agnes a repris la  ferme familiale et révolutionné la production: la quantité plus que la qualité, la vente directe sur les marchés, une présence sur le Marché de la Terre de Stiges…une foule d’initiatives menées de front pour que vive l’agriculture locale.

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J’ai  dû m’imposer. Je suis partie à l’étranger en opposition avec mon grand-père. Je suis revenue alors que la ferme péréclitait et j’ai imposé mon idée, pour la survie. Puis, j’ai appris dans ces réunions où je suis souvent la seule femme, à me montrer « désagréable ». À ne pas céder quand je sais que j’ai raison. Il le faut si nous voulons avancer. 

 

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Après ces deux heures, elles ont échangé des cartes, se sont embrassées, plus fières qu’à leur arrivée et convaincues que d’autres partagent leurs valeurs. Moins seules? Sans doute.  Et moi, heureuse d’avoir eu le privilège de les rencontrer, de croiser cette fabuleuse richesse et d’avoir contribué à la mettre en lumière.


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Vinsanto, le Val d’Orcia en verre, sans Sangiovese.

 

imageUne découverte de voyage. Un hasard de village. Nous avons choisi de vivre quelques jours à San Quirico, dans le val d’Orcia, en Toscane. Sienne n’est pas très loin, Rome à 200 kilomètres, le paysage est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Dans les vignes, on commence la récolte du Merlot et du Cabernet-Sauvignon, le Sangiovese n’a pas fini son mûrissement. C’est lui qui dicte ici le rythme de la vinification, le cépage qui donne le caractère des appellations toscanes.

Nous logeons chez les Piva, à l’agritourismo La Moiana. Ce qui qui nous attire au village au lendemain de notre arrivée, c’est le marché. Peu de surprises, ce sont des revendeurs. Les producteurs sont déjà rentrés dans leurs terres, en même temps que la plupart des touristes. En pénétrant à l’intérieur des murs,  une « cantina » pique notre curiosité. On décharge les raisins blancs sur le côté du bâtiment, en hissant les bacs de plastique à l’étage et l’égrappeuse mécanique ne sert pas. Au pays du Sangiovese, pourquoi des raisins blancs?

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Andrea, le propriétaire de l’Azienda Agricola Sempieri-Del Fa’ répond à quelques-unes de nos questions et nous invite à monter. Nous sommes témoins du premier jour du Vinsanto Orcia, qui ne coulera dans les verres qu’en 2021 et qui peut se conserver des décennies.

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Nous entrons sur la pointe des pieds. En silence, les ouvriers déposent les grappes sur les treillis.  Une à une, délicatement. Après, il leur faut passer chaque jour, pendant trois mois, pour retirer les raisins abimés et laisser les grappes au repos un autre mois. Au début 2017, il sera temps de presser le Trebbiano et de le mettre en barrique de châtaigner. Celles qui durent et durent… La plus ancienne, bientôt centenaire, et se trouvait dans cette exploitation, rachetée par le père d’Andrea en 1958. Il vient de prendre la relève. image
Le « vinsanto » débute sur la paille. Dans ces pièces aérées, où l’alternance des températures encore chaudes en journée et plus fraîches la nuit, les sucres se concentrent, les arômes de fruits se raffinent. Puis, selon les règles toscanes, il devra patienter quatre ans dans les barriques alignées au pourtour de la pièce. Quatre années d’anaérobie et l’interdiction formelle d’y mettre le nez. Quatre années au cours desquelles le vigneron se demande s’il est bon, sans pouvoir obtenir de réponse. Ses arômes tiennent à cet enfermement.
Le Vinsanto d’Orcia, c’est un pari sur le temps, une leçon d’histoire.  Ce sont des notes de fruits confits contenues dans un vin rare qui ne s’achète qu’à la propriété et qui n’est que peu distribué à l’extérieur de l’Italie. Un vrai souvenir de voyage. image


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Acquerello, une histoire de rizière « à la Slow Food »

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Turin, c’est la capitale du Piémont italien; cette zone au pied des montagnes qui annonce les montées, les villages accrochés, les vignobles en terrasse. C’est le Pô, l’eau des Alpes et ce sont d’étonnantes productions agricoles.

Il y a deux ans, Nella m’avait proposé une visite de rizière. Chez un producteur dont la réputation n’est plus à faire. Acquerello vend son riz  aux quatre coins du monde. Jusque chez nous. Dans les épiceries fines et les meilleurs restaurants. C’est le carnaroli des grands rizottos. Un grain qui absorbe petit à petit le liquide dans lequel il cuit, sans jamais fondre tout à fait.

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Grâce à elle, j’ai passé une journée à Livorno Ferraris, près de Vercelli. Sous un soleil de plomb. Une journée marquée par la découverte et l’émotion.

Dans l’histoire du domaine Tenuta Colombara se glissent l’ingéniosité humaine, les luttes des ouvriers agricoles, des ouvrières en particulier. Ces « mondine » qui repiquaient, cueillaient, entretenaient les plantations. Courbées sur les plants, dans l’eau jusqu’aux cuisses, du lever au coucher du soleil. Travailleuses saisonnières d’avant la mécanisation, migrant par centaines pour combler les besoins de main d’oeuvre.

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On a conservé un bâtiment qui abritait un de leurs dortoirs. La ferme d’origine est devenue musée, la grande étable où on ramenait les animaux de trait a été écurée et sert aux belles occasions, ces appartements familiaux où on vivait de la naissance à la mort, quand on était artisan ou employé « à l’année » racontent la vie des familles. On dirait que la salle de classe espère ses élèves. Dans la cour intérieure, on imagine facilement les bruits du quotidien…imprégnés dans les murs et les pavés.

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Les « mondine » vivaient en retrait de l’activité. Elles allaient et venaient, de ferme en ferme,  au fil de la récolte pour gagner un peu d’argent. Mères et filles, cousines, voisines de village; « expatriées » saisonnières. Trop souvent victimes d’un employeur ou de son gérant exerçant un droit de cuissage. On raconte qu’on les enfermait dans le bâtiment qui leur était réservé la nuit venue, pour éviter les fugues.

Au début de leurs révoltes, privées de parole pendant les heures de travail, elles ont commencé à chanter pour se raconter. Ces chants vivent encore aujourd’hui. Il y a dix ans, à Terra Madre, la grande rencontre des gens de la Terre regroupés par Slow Food, leurs voix ont envahi la salle lors de l’inauguration officielle de l’événement. Des voix marquées par l’âge et la vie ont repris,  a capella, ces airs des rizières. On dit d’ailleurs que Bella Ciao vient d’elles et que les paroles ont été changées lors de la Seconde Guerre mondiale. Pour demeurer un chant de résistance.

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Quand notre guide a ouvert la porte de leur dortoir,  nous nous sommes tus. Sur leurs petits lits: des robes. Aux murs: des miroirs, des images pieuses, des vêtements tendus sur des cordes, comme si elles allaient rentrer se changer. Sur les meubles d’appoint: des objets de toilette et ces romans-photos qui les faisaient rêver d’amour. Lui, le guide, avait choisi de devenir le conservateur de ce musée unique en parlant d’elles et de cette époque avec mesure et délicatesse. Il avait passé son enfance à la ferme.

Et dehors, ces parcelles où pousse toujours le riz. Séparées les unes des autres par un système d’irrigation qui canalise l’eau de la montagne pour la faire circuler d’une propriété à l’autre. Depuis des siècles, sur quelques centaines de kilomètres on ouvre et ferme les vannes au besoin. On dit de la culture du riz, dans la plaine du Pô, qu’elle remonte au XVe siècle.

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Et si la famille Rondolino a revu la production de fond en comble et compris les règles contemporaines de la mise en marché, jusqu’à devenir cette entreprise mondialement reconnue, son engagement envers la valorisation du patrimoine ajoute à la qualité du riz et prouve, encore une fois, que les « grands aliments » sont beaucoup plus que leur simple saveur. Ils sont aussi savoir-faire et histoire. Encore plus chez les producteurs qui savent les raconter avec autant de finesse.

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À visiter: Acquerello, le Domaine Tenuta Colombara